Guide du maintien de la paix 2004
Guide du maintien de la paix 2004
Le Guide du maintien de la paix est une initiative heureuse. Il présente d’abord des textes faisant l’objet de débats, puis des documents et des statistiques relatifs aux questions du maintien de la paix. Enfin, il publie quelques sites internet intéressants.
Pascal Teixeira s’interroge d’abord sur le rôle du Conseil de sécurité dans la gestion des opérations de paix. Celui-ci est aujourd’hui un instrument de confrontation d’intérêts divergents, malgré le poids de la puissance américaine. Or, «le monde monde ressemble à une peau de léopard où sont juxtaposées les zones dans lesquelles le Conseil de sécurité (CS) est très présent et actif et d’autres où il est en retrait» (p. 16). Les conflits classiques sont encore à l’ordre du jour, mais il s’agit de conflits anciens (Cachemire), de belligérance prolongée (Israël/Liban), d’annexions (Israël/ Palestine) ou de sécession (Chypre) de territoires. Il a cherché à maintenir le statu quo, ses propositions de règlement restant souvent sans effet. Les nouveaux conflits trouvent leur origine dans les guerres civiles, comme l’éclatement d’États (ex. Yougoslavie) ou l’effondrement des régimes politiques.
Aujourd’hui il est difficile de circonscrire l’espace de crise, d’identifier tous les acteurs du conflit ou de distinguer le militaire du civil (principale victime de cette opposition armée). Les activités criminelles sont souvent liées à ces conflits, dont les solutions s’avèrent d’une complexité considérable, compte tenu des intérêts des groupes et de leurs dirigeants. Or, le maintien de la paix est un concept élastique, qui conduit à une pratique différenciée. Lorsque le conflit affecte un membre permanent, les opérations de maintien de la paix (OMP) du Conseil de sécurité ne s’appliquent pas. Parfois, des organisations régionales assument ce rôle, en gestion exclusive ou partagée. Aujourd’hui, le CS souhaite favoriser l’instrument difficile de la prévention et celui, traditionnel, de l’action diplomatique. Cependant, il se propose surtout de rendre les sanctions plus efficaces, par une volonté politique plus affirmée, de meilleurs moyens d’investigation et une meilleure préparation des OMP, par la recherche d’une adap- tation optimale entre les moyens et l’importance du mandat. L’administration transitoire des territoires implique souvent l’utilisation de la force, mais pour quelle fin? Il s’agit alors de définir une «stratégie de sortie».
Aujourd’hui, le CS dispose d’une certaine expérience en matière d’OMP pour la protection des droits de l’Homme, la protection des civils et l’essor de la démocratie. Trois tendances sont mises en évidence. D’abord, les pays du Nord réservent leurs troupes aux zones considérées d’importance stratégique et ils laissent aux pays du Sud les autres opérations plus incertaines. Ensuite, un mouvement de régionalisation de l’OMP pose le problème de l’inégalité des ressources. Enfin, la diversification des OMP implique l’utilisation de ressources rares en hommes.
Jocelyn Coulon («Le Canada s’engage en Afghanistan») met en évidence le rôle militaire du Canada dans cette opération, en négligeant volontairement les activités destinées à réhabiliter l’Afghanistan. Il considère que, compte tenu de l’insécurité du pays, «le Canada pourrait bien être en Afghanistan pour quelques années» (p. 88).
David Morin se demande si la politique européenne de sécurité et de défense (PESD) et l’opération Concordia en Macédoine ne se présente pas comme un nouvel outil du maintien de la paix. Les opérations militaires de l’OTAN ont servi le maintien de la paix par la dissuasion. Le partenariat stratégique de l’OTAN et de l’Union européenne (UE) a abouti aux arrangements de «Berlin Plus» qui garantit l’accès de l’UE aux capacités de planification opérationnelle de l’OTAN. Dans ce contexte, l’UE peut assumer la direction politique et stratégique d’une OMP, en bénéficiant des capacités de planification, de la logistique et des renseignements de l’OTAN sans que celle-ci ne soit engagée. Le Conseil européen a lancé une opération militaire en Macédoine, à la demande de son Président. L’opération Concordia a pour objectif d’instaurer un «environnement stable et sûr pour permettre au gouvernement macédonien de mettre en œuvre l’accordcadre d’Ohrid». La PESD (Traité d’Amsterdam 1997) se propose de donner à l’UE un rôle sur la scène de la sécurité internationale. Elle s’engage dans une approche globale des crises, fondée sur la légalité et la légitimité internationales (notamment en reconnaissant le rôle prépondérant de l’ONU), sur des engagements économiques et financiers et sur la gestion civile des crises. La PESD suppose la mise en place de capacités militaires et civiles (avec une force d’action rapide de 50 à 60 000 hommes) et des objectifs collectifs de capacité. En l’absence d’une PESD efficace, les États-Unis utiliseront leur hégémonie financière, militaire et politique pour continuer à être les garants de la sécurité de l’Europe.
Peter Langille s’interroge ensuite sur la perfectibilité de la Brigade multinationale d’intervention rapide des forces en attente des Nations Unies (BIRFA). Celle-ci présente déjà plusieurs avantages: chaque État comprend son rôle et ses conditions d’intervention, l’ONU dispose d’une force souple et préétablie et les États allègent ainsi la charge de travail de l’ONU. C’est sans doute la base d’un mécanisme onusien plus ambitieux. Cependant, la BIRFA n’a pas encore prouvé ses capacités opérationnelles et le temps de réaction s’est avéré assez long. Plusieurs améliorations ont été proposées: le caractère pas exclusivement militaire de cette force, la mise en place d’une police civile, l’extension du nombre d’adhérents. Malgré les appels à l’aide, la BIRFA n’a toujours pas été mobilisée pour la République démocratique du Congo, le Soudan, le Burundi ou le Liberia. Il n’empêche qu’elle a un potentiel théorique intéressant.
Yvan Conoir et Mountaga Diagne présentent les opérations de démobilisation et réintégration en Afrique centrale et occidentale. Elles concernent la République démocratique du Congo, le Rwanda, la Sierra Leone. Il s’agit d’un processus politique. Il ne peut y avoir de maintien de la paix sans construction de la paix. Il s’agit d’une opération d’une grande utilité qui s’inscrit dans le cadre du développement durable. Enfin, Jean Morin retrace les évolutions de la Force des Nations Unies à Chypre, opération qui dure maintenant depuis quarante années. Les Britanniques bénéficient de cette partition, car ils disposent de l’usufruit de bases souveraines à Chypre. On peut se demander si les intérêts d’une grande puissance du Conseil de sécurité n’a pas été un des obstacles importants à la «quarantaine» imposée à cette île.
Ces études souvent descriptives retracent les évolutions des opérations de maintien de la paix de quelques pays. À ce titre, elles ont un contenu d’information important, celui qui est demandé à un «guide» qui s’adresse à un large public, notamment aux organisations non gouvernementales gouvernementales et aux étudiants.
Ce guide offre enfin une série de documents (comme une chronologie mondiale du maintien de la paix du 15 juillet 2002 au 15 juillet 2003 ou la déclaration du G8 de juin 2003 sur le maintien de la paix en Afrique), mais aussi des informations statistiques sur les activités de l’ONU pas toujours disponibles sous cette forme et des données statistiques. Enfin, il présente une documentation intéressante concernant le maintien de la paix à recueillir sur les sites Internet clairement identifiés. À ce titre, ce guide est un instrument de travail certes incomplet, mais d’une grande utilité.
Jacques Fontanel. Université Pierre Mendès France Grenoble, France. Études internationales, septembre 2004.