Névrose et folie dans le Corps expéditionnaire canadien (1914-1918). Le cas québécois
Névrose et folie dans le Corps expéditionnaire canadien (1914-1918). Le cas québécois
Réalisé à partir des travaux de thèse de Geneviève Allard, de la Direction «Société et gouvernance de Bibliothèques et archives du Canada» brutalement décédée en juin 2011 à l'âge de 40 ans et à laquelle ses amis ont voulu rendre hommage, ce livre constitue une très intéressante étude de cas. L'auteure, en effet, à partir de la littérature médicale et scientifique de l'époque d'une part, des archives institutionnelles des autorités militaires canadiennes (dont les registres des hôpitaux militaires) d'autre part, et des dossiers individuels des soldats concernés, s'attaque à la question des névroses de guerre au sein du contingent canadien français pendant la Grande Guerre.
Cet ouvrage, qui se termine sur une abondante bibliographie et un utile index, est organisé en quatre grands chapitres: «Les troubles nerveux: évolution et ampleur d'un phénomène médical et culturel», «Les autorités médicales et militaires face aux névroses de guerre», «Du curable à l'incurable: l'impact des militaires atteints de folie sur la gestion des troubles nerveux», et «L'impact des troubles nerveux sur la profession psychiatrique et la société». La distinction entre «névrose» et «folie» (parfois peu claire à l'époque) est bien établie et l'on apprécie la précision des chiffres donnés (on constate d'ailleurs que certaines atteintes ne concernent qu'un nombre limité de soldats au regard des effectifs totaux engagés en Europe). De plus, ces chiffres tendent à diminuer dès la fin de l'année 1916 (soit après la bataille de la Somme), ce qui peut s'expliquer à la fois par une évolution des formes du combat d'une part et par «une méthode de gestion et de traitement plus efficace». L'étude comporte également des éclairages intéressants sur les professions civiles des malades, leur langue d'usage (français ou anglais) et leur province d'origine: de nombreux tableaux réalisés par Geneviève Allard à partir de ses recherches dans les archives illustrent les différents chapitres. On y trouve également la description détaillée (et l'évaluation de l'ampleur) des principaux symptômes identifiés par le corps médical, la description et l'analyse des conditions de prise en charge (accompagnées de quelques considérations économiques sur le coût de ces mesures), et les conséquences de ce dossier après 1919.
Une étude qui, reposant sur un corpus à la fois clairement identifié et assez important tout en restant mesurable (les chiffres pour les différentes catégories oscillent entre quelques dizaines et quelques centaines de cas), se révèle extrêmement précieuse et dont les résultats mériteraient d'être comparés à des travaux français du même ordre.
Les éditeurs précisent que tous les droits d'auteur seront reversés à la Post-Traumatic Stress Disorder Association.
Rémy Porte. 23 janvier 2013.